INTERVIEWS
Dernière mise à jour : August 08 2003 16:25:17



Extrait du Livre "Rock'n Roll - les incontournables", éditions Filipacchi, 1992

 

 

LED ZEPPELIN

Waow, putain, Led Zep ! La vache c'te claque ! Black Dog, tu t'souviens ? Non ? Putain d'monstre, Black Dog ! et Rock'n Roll, et Whole Lotta Love, alors ? L'intro que Plant y gueule comme un goret qui va saillir ! Le bordel intermachin au milieu et la reprise de Bonham sur les choses du début de la fin, c'était pas brutal, ça ? Et les solos de Page quand qu'y fait suer le blues sur le premier album ? Et ses riffs d'enfer - mais j'te dis bien d'enfer, là ! - sur tout le putain de double, Physical Graffiti ? Et l'aut' là, le bassiste qui avait les pieds en folie sur ses pédales d'orgue pendant le pont de Houses Of The Holy, que je sais plus son nom, c'était pas du pur dément ? Merde, le Zep, mon pôte, c'était l'apocalypse en plein, qu'on a perdu le moule avec la mort de ce pauv' Bonzo, et viens pas me chatouiller avec tes charlots façon mettalica-ca d'oie, qu'à côté du grand Zeppelin c'est pisseuses et compagnie !! Tu me fais pitié tiens : tu connais pas Stairway To Heaven ? T'as même pas idée de c'qu'est la classe, mec ! Allez, dégage !... Ainsi s'emportent encore, quinze ans après, les zélateurs d'un culte qui ne connaît qu'un temple et que ses prêtres ont déserté à la suite du trépas peu glorieux de l'un d'eux dans son vomi. Temple élevé autour de neuf disques, pas un de plus, mais adeptes innombrables aujourd'hui comme hier tant le fluide qui les ensorcela - un immense et effrayant boucan - garde intact son étrange magie : avant Led Zeppelin, le hard-rock n'était rien ; depuis, il s'est lui-même réduit à pas grand-chose, errant comme une bête sans âme... A l'instar du hobereau prussien dont il pirata le patronyme encore fumant dans la mémoire de ses parents - mais la légende ne prétend-t-elle pas que Napoléon ironisa un jour : "les Anglais sont braves : ils se battront toujours contre nous, jusqu'au dernier soldat...allemand ! " - Jimmy Page fit un calcul. Un seul, mais le bon : comment, en 1968, devenir riche et célèbre alors que vos héros ont pour noms Willie Dixon ou Muddy Waters, vos rivaux Eric Clapton ou Jeff Beck et que votre jeu évoque à la fois l'arc-en-ciel et la foudre ? En injectant cette dernière dans chaque note, chaque seconde, dans chaque instrument, étant entendu qu'au sein du groupe, les hommes seront d'abord cela : des instruments. Au service du Maître Son : la foudre ! En trois albums, l'Amérique, première visée - elfe diabolique, Page a tôt su se doter d'un manager ogresque et peu scrupuleux, le falstaffien Peter Grant - tombe à genoux, pour toujours. Le quatrième - les cryptiques Runes - tranforme le dirigeable en Moby Dick, la terreur préférée des durs parmi les durs et des jeunes filles aventureuses ! En 75, noyé dans un tourbillon de drogues et de rayons laser, Jimmy Page a atteint son but : Led Zeppelin est le plus grand groupe de rock du monde. Pas seulement de hard-rock : de rock tout court. Battant les Rolling Stones jusque dans l'odeur de soufre dont on pare leurs scandales. Mais pendant les deux ans qui suivirent, leur musique fut encore plus inouï, absolu, systématique, de blues irisé et de violence gratuite, de mystiques envolées et de stupre immature. Que vint gâcher, par un soir sans lune, un bête surdosage d'alcool des steppes. Led Zeppelin, c'étaient les Huns : il n'y en aura jamais d'autre...

texte : Francis Ducray