INTERVIEWS : JIMMY PAGE - LED ZEPPELIN
Dernière mise à jour : August 08 2003 16:25:25





Led Zeppelin était une expérience à vivre en direct, sur scène

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 01.06.03

Propos recueillis par Sylvain Siclier



Jimmy Page, guitariste et compositeur, producteur des archives de Led Zeppelin sur CD et DVD

Né le 9 janvier 1944, à Heston, dans le Middlesex (Angleterre), James Patrick Page, guitariste et compositeur, a fondé le groupe Led Zeppelin en 1968 avec le chanteur Robert Plant (né en 1948), le bassiste John Paul Jones (né en 1946) et le batteur John Bonham (né en 1948, mort le 25 septembre 1980).

Dès 1962, Page enregistre, souvent anonymement, comme musicien de studio. Après Eric Clapton et Jeff Beck il devient, en 1966, le guitariste des Yardbirds, avant la formation de Led Zeppelin, dont le nom apparaît en octobre 1968 d'après une idée du batteur des Who, Keith Moon. Durant douze ans, le groupe, qui s'arrêtera après la mort de Bonham, est l'une des sensations de la planète rock. A Paris, début mai, Jimmy Page a présenté au Monde le double DVD et le triple CD d'archives de Led Zeppelin en concert. L'occasion aussi de revenir sur certaines caractéristiques du groupe britannique.

Vous avez produit et supervisé ces nouvelles archives de Led Zeppelin. Est-ce parce que les autres membres du groupe ne s'y intéressent pas ou parce que vous étiez le plus apte ?

Robert Plant partait en tournée ; John Paul Jones a donné son avis sur certains choix. Tout le monde était assez excité, mais j'avais produit tous les disques de Led Zeppelin, puis les rééditions en CD, les inédits et les archives des enregistrements de la BBC. J'étais donc probablement le mieux placé.

Tout est-il parti de l'acquisition des images du concert au Royal Albert Hall, le 9 janvier 1970 ?

Effectivement. Les bobines filmées à l'époque étaient en possession d'un collectionneur qui s'apprêtait, il y a un peu plus d'un an, à les proposer aux enchères chez Sotheby's. On pouvait être sûr de voir débouler Paul Allen, le cofondateur de Microsoft, qui achète très cher ce genre de documents pour son Musée du rock à Seattle. Là, je suis devenu nerveux et très en colère. Ce concert a été une étape décisive pour nous. Nous sommes heureusement arrivés à conclure une transaction assez coûteuse.

De quel ordre ?

Disons une somme importante. Mais, ne vous inquiétez pas, il nous reste un peu de monnaie -à la fin des années 1990, les patrimoines de Page et Plant étaient estimés à plus de 75 millions d'euros chacun-.Le film est en 16 mm, muet, en couleurs, et nous avions un enregistrement en multipiste du concert. Il a fallu rassembler nos souvenirs pour tout identifier. Il y a des plans larges, d'autres de dos, avec une dizaine de caméras, sans indications sur les bobines. Puis j'ai commencé à réfléchir à un ensemble avec d'autres documents pour aboutir à ces 5 h 20 de DVD.

Cela paraît peu. Aura-t-on droit, dans quelques mois, au retour du retour de Led Zeppelin en DVD ?

Tout ce qui a été filmé et dont le son avait été réalisé en multipiste permettant un transfert de qualité en format 5.1 DTS -norme numérique de reproduction sonore sur plusieurs enceintes acoustiques- est là, avec nos apparitions à la télévision à nos débuts, traitées en stéréo, quelques images d'amateurs. Nous n'étions jamais très à l'aise avec les émissions de télévision ou de radio pour lesquelles tous les gars du rock vendaient leur intégrité. Ce groupe était une expérience à vivre en direct, sur scène, avec des moments d'intensité que je n'ai jamais connus ailleurs. C'était impossible à résumer en une séquence ou de l'expliquer à la presse. Il reste donc peu de choses dans nos archives.

Un seul long métrage officiel avait rendu compte, en 1976, de l'activité scénique du groupe, The Song Remains the Same, tourné au Madison Square Garden de New York en 1973.

La carrière de Led Zeppelin a duré douze ans. A la fin des années 1970, on nous traitait de dinosaures, alors que nous sommes restés bien moins longtemps que la plupart des groupes qui nous considéraient comme de vieux débris et qui, eux, sont toujours là. The Song Remains the Same, dont on peut discuter la réalisation, a été très en avance en ce qui concerne le son, capté et mixé pour les salles de cinéma, qui commençaient à être équipées en système surround et Dolby. J'ai rassemblé les séquences qui n'avaient pas été utilisées à l'époque, on a travaillé le son en 5.1.

Le son du groupe est là, les images aussi. Mais pourquoi ne pas avoir profité du DVD pour ajouter des commentaires ?

Vous voulez dire nous entendre parler pendant la musique ! En aucun cas je ne voulais avoir nos commentaires d'aujourd'hui sur ce qui s'est passé alors. Nous, à l'époque, en train de parler de ce que nous vivions, oui, mais nous ne faisions pas de déclarations... A un moment, il y a John Bonham qui dit quelques mots. C'est tellement en plein dans l'énergie que nous dégagions. Mais ce truc des Beatles dans Anthologyen train de se rappeler de bons souvenirs entre deux extraits de concerts...

Cela aurait permis de donner la version de Led Zeppelin sur tout ce qui a été écrit sur le groupe...

Pas dans ce cadre. Les DVD et les CD, c'est Led Zeppelin en concert, l'osmose entre nous, ce mélange de contrôle permanent et de possibilité d'aller très loin dans l'improvisation, dans l'interaction. Comme les musiciens de blues ou de jazz. La majorité de ce qui a été écrit sur Led Zeppelin concerne le sexe, la drogue, les excès des tournées, des tragédies, des délires sur les textes, les pochettes... On nous a surtout prêté beaucoup plus que la réalité. En même temps, il y a eu aussi des événements, positifs et négatifs, dont personne ne pourrait imaginer la teneur. Il est peut-être temps d'écrire notre autobiographie.

Le triple CD des concerts de 1972, à Los Angeles, est-il le premier d'une série qui permettrait de diffuser, à votre bénéfice, des enregistrements pirates ?

Je ne pense pas. Parce qu'il y a peu de choses de la même qualité, en multipiste, qui pourraient rendre justice à Led Zeppelin. Il existe plein de disques pirates, certains sont même corrects, mais vraiment pas au même niveau. Et puis, tous les membres du groupe doivent être d'accord.

Et rééditer les albums studio en norme 5.1 comme le font de plus en plus de groupes ?

Encore une fois, tout le monde doit être d'accord. Si on le fait, il faut y passer du temps. J'ai passé dix mois sur ce projet, dans une caverne, j'ai besoin de repos, revenir à la lumière et reprendre ma guitare, composer.

Pour vous ou pour Led Zeppelin ?

Pour moi. Reformer Led Zeppelin a été régulièrement évoqué depuis la fin du groupe, en décembre 1980. Dans le passé, nous nous sommes retrouvés à trois, pour une occasion particulière -Live Aid en 1985, l'anniversaire de la maison de disques Atlantic en 1988- ou pour répéter, sans que cela aboutisse. Led Zeppelin sans John Bonham, cela n'a pas de sens. Mais je n'irais quand même pas affirmer que s'il y a une étincelle, un désir créatif de la part de tous...