INTERVIEWS : MICHAEL LEE
Dernière mise à jour : August 08 2003 16:25:31



MICHAEL LEE
L'INTERVIEW -5/98-
"Batteur Magazine"

 

Le parcours de Michael Lee est a l'oppose de tous les poncifs. Il n'a pas appris la batterie en tétant son biberon, il n'a pas eu un batteur célèbre comme voisin, il n'a pas travaillé jour et nuit pendant quinze ans, rien de tous ces clichés. Il s'est mis a la batterie a 18 ans, tout seul, en écoutant des disques. Un an plus tard, il part aux USA et s'y fait recruter dans les Little Angels, groupe avec lequel il enregistrera deux albums et tournera trois ans. Il remplacera ensuite Matt Sorum dans The Cult, puis précédera Cindy Blackman auprès de Lenny Kravitz. Il y a trois ans, il passe avec succès l'audition du groupe de Robert Plant, et se retrouvera dans Page & Plant, au grand dam de Jason Bonham, pressenti mais finalement écarté. Avec le bassiste Charlie Jones, Michael Lee fait maintenant partie intégrante du groupe actuel des deux fondateurs de Led Zeppelin, qui entame une nouvelle tournée qui ira jusqu'en l'an 2000. Dans ses moments de liberté, Michael a été le batteur de la reformation d'Echo & The Bunnymen, tout en faisant diverses séances créatives. Il tournera en France cet automne, mais on peut d'ores et déja le retrouver sur Walking Into Clarksdale .

Walking Into Clarksdale est un album assez différent d 'Unledded , dans la mesure où il s'agit de nouvelles compositions et non pas de reprises de Led Zeppelin.

ML : En fait. Unledded marquait simplement les retrouvailles de Jimmy et Robert. Walking Into Clarcksdale est un album soigneusement muri et composé en groupe. Charlie Jones, le bassiste, et moi-meme avons été partie prenante du processus de création. C'est un disque important pour Jimmy et Robert. Ils n'avaient crée ensemble depuis plus de quinze ans. Je pourrais même comprendre qu'ils décident d'arrêter après ce disque. Ils n'ont vraiment plus rien à prouver.

Que faisais-tu avant de te mettre à cet album ?

Je travaillais sur la musique d'un film, still crazy . C'est une comédie sur l'histoire d'un groupe des années 70 qui se reforme dans les années 90. Il y a un petit côté Spinal Tap (célèbre film satirique musical), mais les gags relèvent plus de la comedie pure, meme s'il y a beaucoup de musique dedans. Ca m'a pris beaucoup de temps. J'étais encore avec Echo & the Bunnymen et, parallèlement, j'enregistrais la musique de ce film quand Page et Plant m'ont rappelé. Je n'arrivais même plus à rentrer chez moi, j'étais tout le temps bloqué a Londres.

Tu vis en Scosse, c'est ta région d'origine ?

Je ne suis pas ecossais de naissance, je viens du nord de l'Angleterre, mais j'habite maintenant dans les Highlands, ce qui est probablement l'un des plus beaux paysages d'Europe. J'avais une maison dans le sud de la France mais je l'ai vendue. je n'en profitais pas assez. J'aime la France, je compte prochainement avoir un pied-à-terre à Paris plutôt qu'à Londres. En Ecosse, je suis installé dans les montagnes. J'y ai construit mon studio et mon plus proche voisin est à trois kilomètres, je n'ai aucun problème de bruit. J'ai une importante collection de Ludwig Vistalite, qui compte 125 batteries à ce jour, de toutes les couleurs. J'en ai des bleues, des vertes, des rouges, des ambre fumé, transparentes, tricolores, toutes les séries spéciales. J'ai une grosse caisse ambre de 26 qui fait baver les collectionneurs. A chaque séjour aux Euts-Unis, j'en ramène. Ca fait quand même un peu beaucoup, il se peut que j'en donne à des ventes de charité.

Pourquoi ne joues-tu pas dessus sur scène ?

C'est impossible, elles casseraient Ce ne sont pas des batteries très puissantes. On ne peut pas tendre les peaux ni les jouer fort, une Vistalite ne survivrait pas a un tel show.

Pourtant John Bonham jouait bien là-dessus ?

C'est vrai, mais je ne suis toujours pas convaincu qu'il etait un si gros cogneur que sa. Je le considère plus comme un batteur avec de profondes 0racines soul qu'un pur rocker, tant dans le son que la frappe. Tout comme le bassiste, John Paul Jones, qui était finalement très proche de ceux de la Motown, comme James Jamerson. Certains lecteurs ne seront peut-être pas d'accord avec moi, mais je ne pense pas que John Bonham frappait très fort. En studio, on peut parfaitement jouer de la batterie doucement et donner une impression de puissance, notamment en jouant avec les micros d'ambiance. Quand on enregistre, pas besoin de bastonner sur la batterie pour avoir un gros son, je suis bien placé pour en parler. Dans le film The Song Remains The Same, on voit Bonham jouer sur une Vistalite qui sonne comme un canon, et je sais d'experience qu'il est impossible d'avoir un tel son avec cette batterie. Steve Smith partage mon avis sur la question. Je peux me tromper bien sûr, mais j'ai essayé de jouer fort sur des Vistalite et j'ai fracassé le fût à chaque fois.

Ta nouvelle batterie, toujours une Ludwig de grandes dimensions, est différente de la précédente, plus fournie.

La première n'avait qu'un seul tom, deux toms bass, une caisse claire, et une grosse caisse, avec deux ou trois cymbales, elle était argenté pailleté. Sur celle-ci, tous les fûts, y compris les deux caisses claires, sont en bois recouvert d'un revêtement chromé qui imite l'aspect du métal. J'ai actuellement une double pédale, mais je songe peut-être à prendre deux grosses caisses pour la tournée, j'hesite encore, tant pour des raisons de look que de son. Quoiqu'au niveau du son, je pense qu'on peut retrouver le même type de choses sur un tom bass. De toute façon, j'évite d'utiliser la double pedale de façon heavy metal, en doubles croches, je préfère m'en servir en complément sur certains passages.

Ta grosse calsse de 28 a vraiment un son fantastique, et tu joues avec la peau de résonance non ouverte !

J'ai un micro place devant cette peau (un AKG D 1 12), un autre devant celle de frappe (un Audio Technica) et un petit micro PZM (Sennheiser) à l'intérieur.

Tu as maintenant une seconde caisse claire, ainsi qu'un pad électronique.

J'utilise le pad sur la chanson de Led Zeppelin, Ramble On. Sur le morceau original, John Bonham frappait sur une valise, ce qui donne ce son très mat. Pour créer mon échantillon, j'ai simplement tapé sur mon siège recouvert d'un morceau de tissu. Durant la tournee précédente, je jouais cette partie sur un tom sur lequel je posais une serviette éponge pour mater le son, mais je trouvais, ça plutot moche visuellement. Ma caisse claire principale, la 14 x14 ,est reglée très tendue, très dure, un peu comme un tambour écossais. Ca ne peut pas convenir pour tout, aussi j'en ai une additionnelle, plus petite, une 13 au son plus tendre, mais certains soirs je ne joue rien dessus.

Jimmy Page et Robert Plant ne t'ont jamais demandé de rejouer un plan comme Bonham ?

Non, jamais. Ils m'ont pris pour mon style justement. Tu as cependant une remarquable façon de jouer les plans de Bonham, parfaitement dans son esprit tout en étant très personnel, comme si tu allais au-delà de son style, le prolongeant de façon contemporaine. Je suis heureux que vous disiez ca, car c'est exactement ce que j'essaie de faire. J'aime beaucoup étudier le jeu d'un batteur et prolonger sa démarche a ma façon. Quand je suis rentré dans Echo & The Bunnymen, leur batteur, Peter De Freitas, venait de se tuer dans un accident de la route. J'ai beaucoup de respect pour lui, c'était un batteur mathématique, excellent calculateur et très précis. Certains de ses plans étaient pour le moins complexes et j'ai passe du temps à les analyser, puis à les développer dans mon style.

Penses-tu que les batteurs anglais, comme John Bonham, mals aussi Ginger Baker, Keith Moon ou lan Paice, constituent une école ditterente des batteurs americains ?

Il y a des batteurs américains que j'adore comme Jonathan Moffett, qui jouait ave Madonna et Michael Jackson. Mon préféré est un batteur de jazz: Marvin Smitty Smith. J'ai deux de ses albums et j'ai récemment decouvert qu'il était à demeure dans un show télévisé. Je le trouve formidable. Cependant, j'apprécie to autant des batteurs de rock. J'aime beaucoup Matt Cameron, de Soundgarden. Mais il y tant de bons batteurs, pas seulement aux USA mais à travers toute la planète. J'ai par exemple rencontré Manu Katche au studio Real World.

A quelle occasion etaiss-tu là-bas ?

J'ai travaille sur le disque de Porl Thompson, de Cure - c'est lui qui jouait du banjo sur la tournée precedente de Page & Plant. Il fait une musique originale, très belle, acoustique. Sur son album, Charlie Jones joue du violoncelle de la contrebasse et j'ai une batterie bizarre avec une charleston de 12 , une petite caisse claire et des cymbales étranges. Mon approche la-dessus évoque celle de Moe Tucker, du Velvet Underground. C'est un univers radicalement different de Led Zeppelin. Real World est mon studio préféré au Royaume-Uni, on devrait plutôt l'appeler Ideal World tellement on y est bien. Et Peter Gabriel est un homme adorable, sincère, authentique. Peter Gabrlel a beaucoup contribué à la diffusion des musiques du monde, et sur Unledded il y avalt de fortes influences folkloriques et orientales. John Bonham était friand de musique arabe et Indienne parait-il, on prétend que c'est lui qui aurait amené cette couleur à Led Zeppelin.

Ecoutes-tu toi aussi beaucoup de musique étrangère ?

Oh oui, beaucoup. Je ne sais pas si c'est vrai pour John, mais je veux bien le croire en écoutant une chanson comme Kashmir. En ce qui me concerne, je n'ecoute généralement pas de disques en fonction de la batterie. En ce moment, je suis amateur des premiers Black Sabbath, avec Bill Ward. J'adore ces grooves lents et lourds. Mais je suis du genre à beaucoup aller en boite, la musique que j'écoute pour me distraire est donc faite avec des machines. Et j'ecoute aussi beaucoup d'ambient. II ne me viendrait pas a l'idée d'écouter un groupe pour batteurs comme Rush, malgré tout le respect que j'ai pour Neil Peart. Sur l'album de Jeff Buckley, extraordinaire musicien hélas disparu, il y a de superbes parties de batterie, jouées à la perfection. Et je ne connais même pas le nom du batteur. Mais vraiment, je n'écoute jamais un disque spécialement pour les plans de batterie.

Tu sembles ne pas jouer beaucoup de batterie en dehors des tournées et des séances. Tu ne travailles pas l'instrument ?

A la maison, j'ai toujours une batterie montèe et j'en joue, mais jamais selon un emploi du temps établi. Je ne suis pas du genre: il est cinq heures, il faut que j'aille faire mon heure de batterie. Je n'arrêterai jamais de jouer de la batterie, je pense que je suis sur terre pour ça, c'est ma raison de vivre. Par exemple, quand j'ai une période de repos , je me retrouve à jouer en studio, faire des séances. Mon copain John Sinclair, que j'ai connu dans The Cult, vient aussi de s'installer avec son materiel en Ecosse. Dans une telle region, on ne peut qu'être inspiré. Il se peut que nous composions ensemble a l'avenir. Je suis entouré de grands musiciens et de grands compositeurs, je n'aurais aucune excuse pour ne pas travailler.

Quand tu joues chez toi, c'est dans quel style ?

Du drum'n bass principalement, en tout cas quand je suis seul. Quand des gens viennent, on joue du rock et du blues toute la journée. Tu ne travailles pas avec des méthodes ? Oh non, je ne lis pas la musique de toute façon. Je pique des idees en écoutant des disques ou en regardant la télévision. Je n'ai rien contre les méthodes, mais ce n'est pas mon truc.

Et tu essales des nouvelles idees en répétitions ou sur scène ?

Tout le temps. Avec Page & Plant. nous ne jouons jamais de la meme façon deux soirs de suite. Au cours d'un morceau, Robert peut se lancer spontanément dans un autre qui n'était ni prévu, ni répété. Avec Charlie, il nous a fallu digerer tout le repertoire de Led Zeppelin pour pouvoir aussitôt répondre a de telles situations. Quand on est sur scène devant des milliers de personnes, il n'est pas question de dire: je ne connais pas cette chanson, je ne la joue pas. Il faut y aller et avoir donc le bagage nécéssaire pour de telles urgences. Et j'avoue que j'aime ça, être toujours sur la corde raide.

Une dernière question au sujet de John Bonham. Comment le décrirais-tu ?

Je n'ai qu'une chose a dire sur John Bonham: je ne l'ai jamais rencontré, mais il a bel et bien changé ma vie. Je le dis très sincèrement, et je ne pourrais rien dire de plus sans paraître ridicule. Dire qu'il est un grand batteur serait réducteur. C'est un siège historique sur lequel je suis assis, et j'ai une telle chance de m'y retrouver à 26 ans. La premiere fois que je* suis allé au cinema, je n'étais meme pas branché musique à l'époque, il y avait trois films au programme: Easy Rider, Le Convoi et The Song Remains The Same. Je n'ai rien compris a part que le gars au chapeau melon avait l'air dingue derriere sa batterie. Et dix ans plus tard me voila à sa place. Que dire de plus, si ce n'est que Jimmy Page est un génie, le plus grand guitariste du rock, et c'est quelque chose d'être avec lui sur scène chaque soir. Led Zeppelin constitue une référence absolue. Avant même cette aventure avec Page & Plant, le simple fait de m'être retrouvé dans le groupe de Robert Plant a suffi a me donner plus de boulot que je ne pourrais en faire, c'est indéniable. Tous les plans que j'ai eus depuis viennent de cette rencontre.

Curieusement, tu restes encore peu populaire auprès des batteurs, du moins en France.

Aux USA, je suis le batteur le plus demandé sur Internet. Toutes les interviews que j'ai accordées ont fait la couverture des revues. Et je sais que Ludwig vend beaucoup de posters avec mon image. Bien sûr, tout vient de ma participation à Page & Plant, je n'avais pas autant de reconnaissance avec les Bunnymen. Mais ça me rend heureux, c'est mon groupe après tout. Propos recueillis par Ferid Bannour et Christophe Rossi. webmasterisé par Zepablo.