MICHAEL LEE
L'INTERVIEW -5/98-
"Batteur Magazine"
Le parcours
de Michael Lee est a l'oppose de tous les poncifs. Il n'a pas appris la batterie
en tétant son biberon, il n'a pas eu un batteur célèbre comme voisin, il n'a
pas travaillé jour et nuit pendant quinze ans, rien de tous ces clichés. Il
s'est mis a la batterie a 18 ans, tout seul, en écoutant des disques. Un an
plus tard, il part aux USA et s'y fait recruter dans les Little Angels, groupe
avec lequel il enregistrera deux albums et tournera trois ans. Il remplacera
ensuite Matt Sorum dans The Cult, puis précédera Cindy Blackman auprès de Lenny
Kravitz. Il y a trois ans, il passe avec succès l'audition du groupe de Robert
Plant, et se retrouvera dans Page & Plant, au grand dam de Jason Bonham, pressenti
mais finalement écarté. Avec le bassiste Charlie Jones, Michael Lee fait maintenant
partie intégrante du groupe actuel des deux fondateurs de Led Zeppelin, qui
entame une nouvelle tournée qui ira jusqu'en l'an 2000. Dans ses moments de
liberté, Michael a été le batteur de la reformation d'Echo & The Bunnymen, tout
en faisant diverses séances créatives. Il tournera en France cet automne, mais
on peut d'ores et déja le retrouver sur Walking Into Clarksdale .
Walking Into
Clarksdale est un album assez différent d 'Unledded , dans la mesure où il
s'agit de nouvelles compositions et non pas de reprises de Led Zeppelin.
ML : En fait.
Unledded marquait simplement les retrouvailles de Jimmy et Robert. Walking
Into Clarcksdale est un album soigneusement muri et composé en groupe. Charlie
Jones, le bassiste, et moi-meme avons été partie prenante du processus de création.
C'est un disque important pour Jimmy et Robert. Ils n'avaient crée ensemble
depuis plus de quinze ans. Je pourrais même comprendre qu'ils décident d'arrêter
après ce disque. Ils n'ont vraiment plus rien à prouver.
Que faisais-tu
avant de te mettre à cet album ?
Je travaillais
sur la musique d'un film, still crazy . C'est une comédie sur l'histoire d'un
groupe des années 70 qui se reforme dans les années 90. Il y a un petit côté
Spinal Tap (célèbre film satirique musical), mais les gags relèvent plus de
la comedie pure, meme s'il y a beaucoup de musique dedans. Ca m'a pris beaucoup
de temps. J'étais encore avec Echo & the Bunnymen et, parallèlement, j'enregistrais
la musique de ce film quand Page et Plant m'ont rappelé. Je n'arrivais même
plus à rentrer chez moi, j'étais tout le temps bloqué a Londres.
Tu vis en
Scosse, c'est ta région d'origine ?
Je ne suis
pas ecossais de naissance, je viens du nord de l'Angleterre, mais j'habite maintenant
dans les Highlands, ce qui est probablement l'un des plus beaux paysages d'Europe.
J'avais une maison dans le sud de la France mais je l'ai vendue. je n'en profitais
pas assez. J'aime la France, je compte prochainement avoir un pied-à-terre à
Paris plutôt qu'à Londres. En Ecosse, je suis installé dans les montagnes. J'y
ai construit mon studio et mon plus proche voisin est à trois kilomètres, je
n'ai aucun problème de bruit. J'ai une importante collection de Ludwig Vistalite,
qui compte 125 batteries à ce jour, de toutes les couleurs. J'en ai des bleues,
des vertes, des rouges, des ambre fumé, transparentes, tricolores, toutes les
séries spéciales. J'ai une grosse caisse ambre de 26 qui fait baver les collectionneurs.
A chaque séjour aux Euts-Unis, j'en ramène. Ca fait quand même un peu beaucoup,
il se peut que j'en donne à des ventes de charité.
Pourquoi
ne joues-tu pas dessus sur scène ?
C'est impossible,
elles casseraient Ce ne sont pas des batteries très puissantes. On ne peut pas
tendre les peaux ni les jouer fort, une Vistalite ne survivrait pas a un tel
show.
Pourtant John
Bonham jouait bien là-dessus ?
C'est vrai,
mais je ne suis toujours pas convaincu qu'il etait un si gros cogneur que sa.
Je le considère plus comme un batteur avec de profondes 0racines soul qu'un
pur rocker, tant dans le son que la frappe. Tout comme le bassiste, John Paul
Jones, qui était finalement très proche de ceux de la Motown, comme James Jamerson.
Certains lecteurs ne seront peut-être pas d'accord avec moi, mais je ne pense
pas que John Bonham frappait très fort. En studio, on peut parfaitement jouer
de la batterie doucement et donner une impression de puissance, notamment en
jouant avec les micros d'ambiance. Quand on enregistre, pas besoin de bastonner
sur la batterie pour avoir un gros son, je suis bien placé pour en parler. Dans
le film The Song Remains The Same, on voit Bonham jouer sur une Vistalite qui
sonne comme un canon, et je sais d'experience qu'il est impossible d'avoir un
tel son avec cette batterie. Steve Smith partage mon avis sur la question. Je
peux me tromper bien sûr, mais j'ai essayé de jouer fort sur des Vistalite et
j'ai fracassé le fût à chaque fois.
Ta nouvelle
batterie, toujours une Ludwig de grandes dimensions, est différente de la précédente,
plus fournie.
La première
n'avait qu'un seul tom, deux toms bass, une caisse claire, et une grosse caisse,
avec deux ou trois cymbales, elle était argenté pailleté. Sur celle-ci, tous
les fûts, y compris les deux caisses claires, sont en bois recouvert d'un revêtement
chromé qui imite l'aspect du métal. J'ai actuellement une double pédale, mais
je songe peut-être à prendre deux grosses caisses pour la tournée, j'hesite
encore, tant pour des raisons de look que de son. Quoiqu'au niveau du son, je
pense qu'on peut retrouver le même type de choses sur un tom bass. De toute
façon, j'évite d'utiliser la double pedale de façon heavy metal, en doubles
croches, je préfère m'en servir en complément sur certains passages.
Ta grosse
calsse de 28 a vraiment un son fantastique, et tu joues avec la peau de résonance
non ouverte !
J'ai un micro
place devant cette peau (un AKG D 1 12), un autre devant celle de frappe (un
Audio Technica) et un petit micro PZM (Sennheiser) à l'intérieur.
Tu as maintenant
une seconde caisse claire, ainsi qu'un pad électronique.
J'utilise
le pad sur la chanson de Led Zeppelin, Ramble On. Sur le morceau original, John
Bonham frappait sur une valise, ce qui donne ce son très mat. Pour créer mon
échantillon, j'ai simplement tapé sur mon siège recouvert d'un morceau de tissu.
Durant la tournee précédente, je jouais cette partie sur un tom sur lequel je
posais une serviette éponge pour mater le son, mais je trouvais, ça plutot moche
visuellement. Ma caisse claire principale, la 14 x14 ,est reglée très tendue,
très dure, un peu comme un tambour écossais. Ca ne peut pas convenir pour tout,
aussi j'en ai une additionnelle, plus petite, une 13 au son plus tendre, mais
certains soirs je ne joue rien dessus.
Jimmy Page
et Robert Plant ne t'ont jamais demandé de rejouer un plan comme Bonham ?
Non, jamais.
Ils m'ont pris pour mon style justement. Tu as cependant une remarquable façon
de jouer les plans de Bonham, parfaitement dans son esprit tout en étant très
personnel, comme si tu allais au-delà de son style, le prolongeant de façon
contemporaine. Je suis heureux que vous disiez ca, car c'est exactement ce que
j'essaie de faire. J'aime beaucoup étudier le jeu d'un batteur et prolonger
sa démarche a ma façon. Quand je suis rentré dans Echo & The Bunnymen, leur
batteur, Peter De Freitas, venait de se tuer dans un accident de la route. J'ai
beaucoup de respect pour lui, c'était un batteur mathématique, excellent calculateur
et très précis. Certains de ses plans étaient pour le moins complexes et j'ai
passe du temps à les analyser, puis à les développer dans mon style.
Penses-tu
que les batteurs anglais, comme John Bonham, mals aussi Ginger Baker, Keith
Moon ou lan Paice, constituent une école ditterente des batteurs americains
?
Il y a des
batteurs américains que j'adore comme Jonathan Moffett, qui jouait ave Madonna
et Michael Jackson. Mon préféré est un batteur de jazz: Marvin Smitty Smith.
J'ai deux de ses albums et j'ai récemment decouvert qu'il était à demeure dans
un show télévisé. Je le trouve formidable. Cependant, j'apprécie to autant des
batteurs de rock. J'aime beaucoup Matt Cameron, de Soundgarden. Mais il y tant
de bons batteurs, pas seulement aux USA mais à travers toute la planète. J'ai
par exemple rencontré Manu Katche au studio Real World.
A quelle occasion
etaiss-tu là-bas ?
J'ai travaille
sur le disque de Porl Thompson, de Cure - c'est lui qui jouait du banjo sur
la tournée precedente de Page & Plant. Il fait une musique originale, très belle,
acoustique. Sur son album, Charlie Jones joue du violoncelle de la contrebasse
et j'ai une batterie bizarre avec une charleston de 12 , une petite caisse claire
et des cymbales étranges. Mon approche la-dessus évoque celle de Moe Tucker,
du Velvet Underground. C'est un univers radicalement different de Led Zeppelin.
Real World est mon studio préféré au Royaume-Uni, on devrait plutôt l'appeler
Ideal World tellement on y est bien. Et Peter Gabriel est un homme adorable,
sincère, authentique. Peter Gabrlel a beaucoup contribué à la diffusion des
musiques du monde, et sur Unledded il y avalt de fortes influences folkloriques
et orientales. John Bonham était friand de musique arabe et Indienne parait-il,
on prétend que c'est lui qui aurait amené cette couleur à Led Zeppelin.
Ecoutes-tu
toi aussi beaucoup de musique étrangère ?
Oh oui, beaucoup.
Je ne sais pas si c'est vrai pour John, mais je veux bien le croire en écoutant
une chanson comme Kashmir. En ce qui me concerne, je n'ecoute généralement pas
de disques en fonction de la batterie. En ce moment, je suis amateur des premiers
Black Sabbath, avec Bill Ward. J'adore ces grooves lents et lourds. Mais je
suis du genre à beaucoup aller en boite, la musique que j'écoute pour me distraire
est donc faite avec des machines. Et j'ecoute aussi beaucoup d'ambient. II ne
me viendrait pas a l'idée d'écouter un groupe pour batteurs comme Rush, malgré
tout le respect que j'ai pour Neil Peart. Sur l'album de Jeff Buckley, extraordinaire
musicien hélas disparu, il y a de superbes parties de batterie, jouées à la
perfection. Et je ne connais même pas le nom du batteur. Mais vraiment, je n'écoute
jamais un disque spécialement pour les plans de batterie.
Tu sembles
ne pas jouer beaucoup de batterie en dehors des tournées et des séances. Tu
ne travailles pas l'instrument ?
A la maison,
j'ai toujours une batterie montèe et j'en joue, mais jamais selon un emploi
du temps établi. Je ne suis pas du genre: il est cinq heures, il faut que j'aille
faire mon heure de batterie. Je n'arrêterai jamais de jouer de la batterie,
je pense que je suis sur terre pour ça, c'est ma raison de vivre. Par exemple,
quand j'ai une période de repos , je me retrouve à jouer en studio, faire des
séances. Mon copain John Sinclair, que j'ai connu dans The Cult, vient aussi
de s'installer avec son materiel en Ecosse. Dans une telle region, on ne peut
qu'être inspiré. Il se peut que nous composions ensemble a l'avenir. Je suis
entouré de grands musiciens et de grands compositeurs, je n'aurais aucune excuse
pour ne pas travailler.
Quand tu joues
chez toi, c'est dans quel style ?
Du drum'n
bass principalement, en tout cas quand je suis seul. Quand des gens viennent,
on joue du rock et du blues toute la journée. Tu ne travailles pas avec des
méthodes ? Oh non, je ne lis pas la musique de toute façon. Je pique des idees
en écoutant des disques ou en regardant la télévision. Je n'ai rien contre les
méthodes, mais ce n'est pas mon truc.
Et tu essales
des nouvelles idees en répétitions ou sur scène ?
Tout le temps.
Avec Page & Plant. nous ne jouons jamais de la meme façon deux soirs de suite.
Au cours d'un morceau, Robert peut se lancer spontanément dans un autre qui
n'était ni prévu, ni répété. Avec Charlie, il nous a fallu digerer tout le repertoire
de Led Zeppelin pour pouvoir aussitôt répondre a de telles situations. Quand
on est sur scène devant des milliers de personnes, il n'est pas question de
dire: je ne connais pas cette chanson, je ne la joue pas. Il faut y aller et
avoir donc le bagage nécéssaire pour de telles urgences. Et j'avoue que j'aime
ça, être toujours sur la corde raide.
Une dernière
question au sujet de John Bonham. Comment le décrirais-tu ?
Je n'ai qu'une
chose a dire sur John Bonham: je ne l'ai jamais rencontré, mais il a bel et
bien changé ma vie. Je le dis très sincèrement, et je ne pourrais rien dire
de plus sans paraître ridicule. Dire qu'il est un grand batteur serait réducteur.
C'est un siège historique sur lequel je suis assis, et j'ai une telle chance
de m'y retrouver à 26 ans. La premiere fois que je* suis allé au cinema, je
n'étais meme pas branché musique à l'époque, il y avait trois films au programme:
Easy Rider, Le Convoi et The Song Remains The Same. Je n'ai rien compris a part
que le gars au chapeau melon avait l'air dingue derriere sa batterie. Et dix
ans plus tard me voila à sa place. Que dire de plus, si ce n'est que Jimmy Page
est un génie, le plus grand guitariste du rock, et c'est quelque chose d'être
avec lui sur scène chaque soir. Led Zeppelin constitue une référence absolue.
Avant même cette aventure avec Page & Plant, le simple fait de m'être retrouvé
dans le groupe de Robert Plant a suffi a me donner plus de boulot que je ne
pourrais en faire, c'est indéniable. Tous les plans que j'ai eus depuis viennent
de cette rencontre.
Curieusement,
tu restes encore peu populaire auprès des batteurs, du moins en France.
Aux USA, je
suis le batteur le plus demandé sur Internet. Toutes les interviews que j'ai
accordées ont fait la couverture des revues. Et je sais que Ludwig vend beaucoup
de posters avec mon image. Bien sûr, tout vient de ma participation à Page &
Plant, je n'avais pas autant de reconnaissance avec les Bunnymen. Mais ça me
rend heureux, c'est mon groupe après tout. Propos recueillis par Ferid Bannour
et Christophe Rossi. webmasterisé par Zepablo.